Les biotechnologies promettent pour très bientôt des découvertes fondamentales et des développements majeurs au niveau des traitements médicaux, de l’accroissement de la production agricole, de la cartographie complète du génome de plusieurs espèces, de la reconfiguration de l’humain sur mesure. Leur puissance annoncée fascine et inquiète. Ces technologies soulèvent de nombreux doutes et posent des questions qui ne connaissent pas de réponses simples.

Or depuis une quinzaine d’années déjà, des artistes s’intéressent à ce domaine. Renouant avec le mythe de Pygmalion, certains d’entre eux cherchent à réinventer la vie, à créer de nouvelles formes hybrides ou à animer la matière en créant des automates intelligents. D’autres soumettent à la question toute forme de manipulation et de chosification, d’instrumentalisation et de marchandisation de la vie.
Situé au croisement de la science, de la technologie et des systèmes artificiels, cet art émergeant nécessite un examen et des considérations sérieuses. Au cours de ce colloque, des artistes et théoriciens aborderont ces questions en présentant des recherches et des réalisations artistiques. Les quatre grandes thématiques abordées par les intervenants dans ce colloque seront :


Rencontre du biologique, de l’esthétique et de l’éthique

Vie artificielle

Art génétique - hybrides


Représentations et stratégies critiques

 

Rencontre du biologique, de l’esthétique et de l’éthique :
Les œuvres art biotech sont produites dans un contexte, avec des matériaux et à travers des démarches qui tranchent avec le milieu des arts visuels et médiatiques. Plusieurs, basées sur le génie génétique et d’autres biotechnologies, sont des interventions directes sur la matière vivante, et l’esthétique de l’hybridité héritée de la culture postmoderne trouve ici des manifestations au sens le plus littéral du mot.

De ces nouvelles esthétiques surgissent des questions esthétiques, théoriques, éthiques et culturelles, traitées par les intervenants.
Qu’impliquent ces réalisations artistiques sur le plan de la pratique artistique et théorique ? Quels liens s’établissent avec la science ? Quels changements contextuels motivent ces pratiques ? Quelles problématiques les sous-tendent ? Que signifient ces pratiques qui cherchent à réinventer la vie ou à animer la matière d’intelligence artificielle ?

Vie artificielle :
Les artistes qui travaillent dans le domaine de la vie artificielle reconduisent un rêve très ancien que l’on trouve déjà chez les prêtres égyptiens qui ébahissaient les foules avec des statues qui parlaient et bougeaient. Nous avons vu depuis défiler de nombreux essais de simulation de la vie, avec le golem, l’automate, le robot et toute la gamme d’appareils informatiques de plus en plus intelligents. Les réalisations en vie artificielle continuent à étonner et proposent des réflexions sur l’artificiel, le vivant, l’intelligence, la communication, l’évolution et la spécificité de l’humain. Plusieurs visent un certain mimétisme physique, physiologique ou psychologique de la vie humaine, alors que d’autres explorent des modèles de comportements adaptatifs inédits pouvant dans certains cas instruire le comportement humain lui-même. Des artistes et des théoriciens présenteront leurs œuvres, leurs recherches et leurs réflexions sur toute une gamme d’œuvres de vie artificielle.

Art génétique - hybrides :
L’art génétique a connu un important essor au cours des dernières années. Ces formes d’art développent une relation différente vis-à-vis de la nature. Ces artistes emploient directement des organismes vivants (bactéries, animaux, plantes, cellules et tissus humains) comme bases de leurs œuvres. Ce genre d’art vivant repose dans certains cas sur des préoccupations esthétiques, créant des variétés hybrides de fleurs ou de plantes, ou manipulant le phénotype de certains animaux; d’autres abordent des questions écologiques, éthiques et politiques. Les formes les plus audacieuses dans ce domaine sont celles qui sont basés sur des techniques du génie génétique et tissulaire, car elles soulèvent une réaction, le plus souvent d’indignation chez le spectateur. Par exemple, l’art transgénique crée des gènes synthétiques ou transfère de la matière génétique d’une espèce à une autre dans le but de créer des êtres vivants uniques. L’art tissulaire, basé sur les recherches de clonage et du génie tissulaire, produit des entités semi-vivantes provenant de cultures cellulaires ou d’épidermes humains. Ces pratiques artistiques sont, en effet, des créations hybrides, et parfois couplent même l’organique et la mécanique. Certains hybrides sont des intermédiaires entre les interventions biologiques comme telles et les recherches en intelligence artificielle. Il s’agit tantôt d’organismes dans lesquels on a implanté des nanotechnologies et dont le comportement se trouve influencé par un programme. Ces pratiques rejoignent aussi de nombreux travaux menés dans le domaine de l’architecture et des «smart material» fait de cultures de tissus organiques développés en vue de rendre l’architecture réceptive et interactive. Des artistes et théoriciens, travaillant dans ces domaines émergeants, présenteront leurs idées sur ces œuvres.


Représentations et stratégies critiques :
À travers des images (photos, films, Internet et autres média plus traditionnels), des performances, des installations multimédia interactives, aussi bien que la matière vivante, des artistes traitent de questions esthétiques et de problèmes culturels et éthiques à propos des interventions scientifiques sur le vivant. De nouvelles conceptions et perceptions du corps et de la nature émergent. Certains artistes représentent des images de chromosomes, de la double hélice de l’ADN, des schémas génétiques, incluant des autoportraits génétiques. La question du génome et de l’hérédité retient beaucoup d’attention. Certains artistes créent des gènes synthétiques en enchâssant des codes culturels dans des codes génétiques afin de suggérer des liens entre la biologie, la culture et les systèmes de signification. D’autres fondent explicitement leur art sur les interconnections entre la recherche biotechnologique et les attitudes socioculturelles, notamment sur les débats touchant l’instrumentalisation de la vie et les liens entre les grandes corporations et la recherche biotechnologique. Plusieurs font des critiques aiguës de l’eugénisme, des technologies de reproduction, des brevets génétiques, et des armes biologiques. Les œuvres de tels artistes servent à déconstruire et à démystifier des idées toutes faites sur les pratiques biotechnologiques.