Hervé Fischer, Artiste-philosophe, il a été co-fondateur et co-président (1985), avec Ginette Major, de La Cité des arts et des nouvelles technologies de Montréal et des expositions Images du Futur. Il a publié de nombreux articles et livres sur l'art et les communications, notamment : en 2000 sur Internet Mythanalyse du futur (www.herverfischer.ca), en 2001 Le choc du numérique (VLB éditions) et en 2002 Le romantisme numérique (Fides et Musée de la civilisation). L'âge du numérique (collectif, P. U. L.) et CyberProméthée, l'instinct de puissance (editions vlb). Il prépare aussi un vaste ouvrage de théorie sociologique de la couleur: Couleurs et sociétés (à paraître aux éditions Robert Laffont). | |
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Le mythe et ses doubles Dieu fut-il un grand artiste? À tout le moins un grand biologiste! Aujourd'hui, les biotechnologies nous interpellent spectaculairement, non seulement en déchiffrant le génome humain, mais en envisageant même d'intervenir artificiellement dans le Livre de la vie. Artifice? ou Art? Les généticiens maîtrisent le langage à quatre lettres, a,t,g,c, de l'ADN et en déclinent les compositions possibles. À un point où il est permis de se demander si les chercheurs scientifiques n'ont pas pris une longueur d'avance sur les artistes, tant ils font preuve d'imagination créatrice et d'audace non seulement dans leurs hypothèses et dans leurs expérimentations, mais même dans leur production: clonages, créations hybrides, chimères et science fiction. Nous serions parvenus, selon certains, au terme de l'âge du carbone ou de la biosphère, pour accéder à l'âge du silicium; à un moment, où c'est la nature même de l'espèce humaine, et de l'homme en tant qu'homme ou en tant que post-humain, qui se pose, comme l'avait souligné Heidegger dans sa fameuse "Lettre sur l'humanisme". Cette évolution était prévisible et inévitable, selon lui, comme une évolution de notre culture depuis l'avènement du Siècle des Lumières et du rationalisme qui a tourné au positivisme, au scientisme et à l'artificialisation de la nature. Face à l'utopie du transhumanisme, les artistes réagissent de plus en plus, soit qu'ils en illustrent les recherches, soit qu'ils s'approprient ces nouveaux ready made vivants. Quand on y pense bien, le biotech art, c'est le grand art, par excellence! Nous atteignons le cœur même du mythe de l'art. Mais le rôle de l'artiste est bien différent de celui du scientifique. Rien n'arrêtera ce dernier dans sa quête de connaissance et de pouvoir, tandis que l'artiste choisit plutôt de bâtir un dialogue entre science et société, de questionner l'imaginaire et l'éthique de ces recherches scientifiques qui modélisent virtuellement la vie et atteignent de plus en plus le niveau de la bio-fiction. |